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Dahmer : Monstre - L'histoire de Jeffrey Dahmer

31 Octobre 2022 , Rédigé par Marmotte Publié dans #drame

Dahmer : Monstre - L'histoire de Jeffrey Dahmer

La fin du mois de septembre 2022 est marquée par la sortie sur Netflix de la nouvelle production de Ryan Murphy.

Notamment connu pour la réalisation ou la production de série comme American Horror Story, Ratched ou encore Glee, il nous présente cette fois-ci une série non pas tout droit sorti de son énorme imaginaire mais d’un sinistre fait divers.

En 1991, les Etats Unis découvrent avec effroi l’un de ses plus tristement célèbres serial killer, Jeffrey Dahmer accusé des meurtres de dix-sept jeunes hommes, mais aussi de viols, de démembrements, de nécrophilie et de cannibalisme.

La lourde tâche de l’interprétation de Dahmer, va être donnée au talentueux Evan Peters (acteur présent dans neuf saisons d’American Horror Story, connu notamment par le rôle principal dans Kick Ass, mais aussi comme Quicksilver dans les adaptations à l’écran des X-men).

Une série adaptant Jeffrey Dahmer sur le petit écran par le papa d’American Horror Story et avec son acteur phare, on ne pouvait qu’être impatient du résultat.

 

La série va donc décrire ce fait divers, mais et c’est là à mes yeux le plus important, ne va pas uniquement s’en tenir à un long et sanglant descriptif des différents meurtres.

L’intelligence de la série est qu’elle ne s’attarde pas uniquement sur Dahmer. Nous allons voir au cours des différents épisodes comment ce tueur à multiplier les victimes, que ce soit par ces meurtres, mais aussi et surtout par le biais des familles des victimes, sans pour autant oublier la propre famille de Dahmer.

Nous assistons avec une extrême pudeur à la lutte des familles des victimes pour se faire entendre et se faire reconnaitre au sein d’une société qui les marginalise. La série n’hésite pas à laisser Dahmer dans l’ombre pour se concentrer sur le procès du point de vue des familles des victimes avec des scènes extrêmement fortes. Dans un travail de réalisme, la série prend aussi le point de vue du père de Dahmer et de toutes les questions qui peuvent abriter un père lorsque celui-ci apprends que son fils a commis l’irréparable.

C’est une immense force de la série, celle de ne pas juste raconter l’histoire sanglante d’un sérial killer, mais donner une parole pleine de pudeur et de justesse aux victimes dans un sens large.

 

Amateurs de sanglant et de crimes visuels débordants d’hémoglobine passez votre chemin. En effet, durant un peu plus de dix heures de série, les dix sept meurtres seront présentés avec très peu de visuel. Mais c’est là que la série choque et prends aux tripes, le spectateur ne verra rien (ou très peu) mais il entendra et imaginera suite à une mise en scène terrible (par le biais du son ou avec un jeu d’ombre et de suggestion) allons jusqu’à presque donner la sensation de sentir les odeurs décrites par les voisins du tueur.

 

La série n’aurait pas pu être aussi prenante et choquante sans le travail d’acteur d’Evan Peters. Le mot travail est faible, il s’agit tout simplement d’une performance d’un niveau impressionnant que ce soit dans par le verbal ou le non-verbal. Sans faire la promotion ou mettre la lumière sur le véritable meurtrier, je vous invite à visionner des entretiens ou des reportages pour noter le remarquable talent de l’acteur que ce soit dans la façon de parler, dans les expressions faciales et surtout dans tout ce qu’Evan Peters arrive à faire passer par le regard parfois même vide. Le jeu d’acteur est intelligent, glaçant et toujours dans la justesse. Il montre par son interprétation qu’une personne calme et froide peut être extrêmement inquiétante et effrayante, bien plus qu’une interprétation tout en cris et exagération.

Ce qui est très fort, par rapport à l’intérêt porté à Dahmer, c’est que la série ne franchis jamais la ligne faible qui donnerait de la sympathie au tueur. Sans jamais excuser les actions de cet homme, la série interroge sur ce qui a pu l’amener à commettre ces atrocités.

Nous avons un début de réflexion sur l’accompagnement aux personnes. Sans rentrer dans les détails, l’accent est mis sur la famille dysfonctionnelle, la prise de médicament ou d’alcool, mais aussi et surtout sur le non-accompagnement voir le déni des problèmes psychologiques que ce soit par la famille ou l’entourage éducatif. Sans l’excuser, plusieurs scènes montrent Dahmer s’interroger sur sa santé mentale, voir même annoncer un problème sans qu’il ne soit prit au sérieux ou aider, le laissant dans une situation de solitude intense avant même que ces crimes commencent.

Alors non, la volonté n’est pas de poser la faute sur l’entourage de Dahmer et de le dédouaner, mais peut-être d’interroger pour que cela permette de ne pas laisser l’inimaginable de se reproduire.

 

J’ajoute à la performance de haut niveau de Peters, à la justesse des performances des autres acteurs, notamment la voisine de Dahmer, mais aussi son père et sa belle-mère. Les acteurs, par leur jeu permettent le temps de leur apparition à l’écran de vivre ce sordide fait divers par leurs yeux. Richard Jenkins, dans le rôle du père de Dahmer, Lionel, livre une interprétation juste et sincère d’un père choqué par les actions inexcusables de son fils, mais qui décide de rester à ses côtés pour l’accompagner. L’épisode 8 se concentre principalement sur lui, ce qui permet de voir qu’il peut aussi être considéré comme une victime collatérale des crimes de son fils. Dans un but de compréhension (si cela est possible), il va remettre en question l’éducation qu’il a apportée à son fils, regrettant sa non-présence à certains moments phares de la vie de son fils (informant même de pulsions qu’il a lui-même eu plus jeune), mais aussi pointer la prise de médicaments et l’absence de la mère de Dahmer, continuant la vision de la famille dysfonctionnelle. Encore une fois, le but n’est pas d’excuser Dahmer, mais d’interroger.

La voisine de Dahmer, ici interprété par Niecy Nash, nous fait s’interroger sur la société dans son ensemble là où le père de Dahmer interrogeait sur le cercle familial. Alors, certes son histoire est modifiée (dans les faits ce n’est pas elle qui appela plusieurs fois les policiers, ni n’habitait dans le même immeuble que Dahmer) mais cela ne pose pas un problème. C’est par sa vision des faits que nous sommes plongé dans l’horreur et que nous sommes révoltés par le manque de réactions des autorités diverses (que ce soit pour l’arrestation de Dahmer, mais aussi pour l’hommage aux victimes). Un très bon point est lors de l’épisode 7, entièrement consacré au point de vue de Glenda, de voir la scène de début de l’épisode 1 par sa vision à elle.

 

Cette série ne fait pas seulement un étalage morbide et voyeuriste des différents crimes de Dahmer, elle fait notamment réfléchir sur la considération de certaines communautés suivant les époques.

La série fait un portrait peu avantageux de la police de Milwaukee et des politiciens. En effet, les faits relatés montrent qu’à plusieurs reprises Dahmer aurait pu être arrêté par des policiers. Mais loin d’un état de fait sur le professionnalisme des policiers, il s’agit surtout d’élargir sur une question sociétale sur le peu d’intérêt qui était porté aux communautés minoritaires lors des années 80 et 90 (notamment noire ou homosexuelle). Est-ce cela qui a permis à Dahmer de faire dix-sept victimes, c’est un autre débat, mais la série ouvre cette porte.

 

Un très bon point pour la série est de stopper le suivi de Dahmer au moment de son arrestation pour se pencher sur le point de vue des familles. A partir de ce moment, nous allons par les yeux des familles assister aux différentes phases des enquêtes, des témoignages et des procès par des scènes extrêmement prenantes. L’accent va aussi être mis sur la malheureuse fascination morbide qu’inspire les tueurs à un grand nombre de personne en montrant les courrier de « fans » mais aussi l’argent envoyé à Dahmer en prison et l’impact destructeur que cela peut avoir sur les familles lors de leur tentative de reconstruction.

La réalisation est impeccable même si nous pouvons regretter certaines longueurs par moment. Malgré tout, le travail de restitution des lieux, l’appartement de Dahmer notamment, est d’une maitrise impressionnante.

De plus, la photographie est impeccable, les couleurs tirent sur le verdâtre, ce qui appuie la sensation de nausée lors de la vision de l’appartement de Dahmer ou toutes les atrocités vont être commises.

Même si le format de flashback peut déranger et déboussolé au premier abord, cela permet une plongée complète dans l’escalade d’horreur du tueur.

Lors d’un épisode, nous allons nous concentrer sur une des victimes de Dahmer qui est sourd. Durant les dix premières minutes de la série, nous allons suivre Anthony Hughes durant sa vie avant sa rencontre avec Dahmer en le mettant dans le rôle principal durant près de trente minutes. La série va alors prendre le pari risqué de placer le spectateur à sa place durant quasiment quatre minutes en ne présentant aucun bruit, aucune musique sans à aucun moment ralentir le rythme de la série.

 

La volonté de ne surtout pas mettre la lumière sur Dahmer de l’équipe est appuyée par la fin de la série. Sans révéler ce qui peut arriver à Dahmer, nous avons les quinze dernières minutes de la série qui se déroulent sans le tueur. Il s’agit uniquement de son père, mais surtout de la voisine, Glenda, qui lutte pour la construction d’un monument en mémoire aux victimes. La volonté est de rappeler que ce n’est pas l’histoire de cet homme, c’est avant tout l’histoire horrible de dix-sept personnes qui ont perdu la vie à la suite de la rencontre avec le mal. Le tout est appuyé lors de la fin de la série par la présentation une par une, avec la photographie, la date de décès et l’âge, des dix-sept victimes. C’est d’eux dont il faut se rappeler, pas du tueur, et cela malgré l’intérêt parfois malsain que les tueurs en série peuvent apporter. Ce n’est pas une histoire, ce n’est pas un conte, c’est un fait réel, relaté et mis en série certes, mais ces personnes ont existé et elles méritent le respect.

 

ALERTE AUX SPOILS :

 

Un moment extrêmement vomitif de cette série concernant la police de la ville.

En effet, la série met en scène, une erreur policière. Suite au départ de Dahmer, une des victimes, un jeune homme de quatorze ans, va pouvoir non sans mal s’échapper de son appartement. Celui-ci va alors être trouvé dans l’immeuble, par Glenda et sa fille qui vont appeler la police. Les policiers, une fois sur place, vont constater que le jeune homme est hagard, nu et ne peut répondre aux questions. Dahmer va alors arriver, prétendre que le jeune homme a 19 ans et est son petit ami qui a trop bu et retourner dans son appartement avec sa victime et les policiers.

Malgré leur présence dans l’appartement, ils passeront à coté du corps de Tony, une des victimes de Dahmer, car les policiers montrent la volonté de ne pas rester trop longtemps dans l’appartement pour « ne pas attraper quelque chose » laissant alors un jeune homme de quatorze ans avec un homme adulte qui a déjà été condamné quelques années plus tôt pour avoir drogué et abusé un mineur. 

Par cette scène, le réalisateur fait réfléchir sur la manière dont été traité la communauté homosexuelle dans les années 80 90.

 

Suite à cela et pour continuer à pointer du doigt les problèmes dans les sphères politiques et policières de la ville, la série va se mettre en pose pour nous présenter une cérémonie.

Cette cérémonie va célébrer et récompenser les deux policiers qui après avoir été suspendu pour cause de leur négligence lors du soir du 27 mai 1991, vont être réhabilités avec presque les excuses de la ville.

Ce qui est extrêmement bien fait par la série, c’est que cette cérémonie va être mise en parallèle avec en même temps, une misérable cérémonie en petit communauté durant laquelle la voisine de Dahmer, va être récompensé pour avoir appelé les policiers plusieurs reprises. Cela appuie bien le peu de considération des instances de la ville envers des familles des victimes.

 

Je suis obligé de parler de cela dans la section spoiler, mais je ne comprends absolument pas l’apparition d’un autre sérial killer dans le dixième épisode (John Wayne Gacy). Alors oui, il y a un lien entre les deux tueurs, car le jour de l’exécution de Gacy correspond avec le jour de baptême de Dahmer en prison (10 mai 1994) et l’année du premier meurtre de Dahmer correspond à l’année d’arrestation de Gacy (1978), mais de là à le faire apparaitre dans la série. A part si cela correspond à un teaser d’une prochaine série, j’avoue ne pas comprendre.

 

Pour appuyer sur la volonté de ne pas « glamourisé » Dahmer, les réalisateurs ont pris le choix que la seule scène de meurtre que nous voyons, sans aucune limitation ou censure, c’est celle de Dahmer par un co détendu en prison. La mort est violente, sans aucun filtre, ce qui nuance avec les autres scènes de meurtres, notamment avec la première victime de Dahmer qui meurt de la même manière avec un haltère.

 

FIN ALERTE AUX SPOILS

 

Pour conclure, nous pouvons dire que la série nous livre le parcours d’un serial killer sans le mettre en lumière, sans glamouriser (comme cela a pu être dit) ces crimes, mais surtout et c’est le plus important, en montrant toute l’atrocité de ces crimes par le prisme des victimes, des familles des victimes et du père de Dahmer.

On ne peut qu’applaudir la performance impressionnante d’Evan Peters (qui lui vaudra peut être un Emmy, il le mérite amplement). Il est clairement habité par ce rôle et la prestation est presque à elle seule l’explication de la popularité et de la bonne réception de cette série.

 

C’est une série dure, à ne pas mettre entre toutes les mains, mais qui fait réfléchir, qui prend au cœur et aux tripes et qui ne laisse aucunement intact à la fin. Elle est dotée d’une intelligence, d’une pudeur et d’un respect envers les victimes, qui évite à la série de tomber dans le voyeurisme. Lors de différentes interviews il a été répété par l’équipe qu’ils voulaient rendre hommage aux victimes sans jamais excuser Dahmer, ce qui est réussi haut la main.

 

ODLM

 

Lien Allociné

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